L’historique des théories rivales sur la tour de Newport jusqu’en 1841

[…]

En 1829, le professeur Charles Christian Rafn, secrétaire de la Société royale des antiquaires du Nord, de Copenhague, se préparait à publier son travail gigantesque sur les Norrois dans le Nouveau Monde dans la période précolombienne. C’était une tâche immense qui impliquait l’étude, la reproduction et l’analyse critique d’anciens manuscrits à Copenhague et en Islande. Ce travail a occupé Rafn, son collègue, Finn Magnusen et la Société royale pendant de nombreuses années.

Au cours de ce travail, Rafn a décidé de vérifier si les Scandinaves avaient laissé des traces de leur passage au Rhode Island ou dans les environs. […] Quoi qu’il en soit, il y a eu une correspondance avec d’autres Américains, constituée de neuf pièces, dont voici la description :

[…]

Vous comprenez maintenant ce qui est arrivé. Webb et certains autres membres de la Société d’histoire du Rhode Island, en recevant une demande de Rafn concernant les traces possiblement laissées par les Scandinaves dans le sud de la Nouvelle-Angleterre, l’ont submergé de descriptions et d’illustrations du rocher de Dighton et d’autres rochers qui ont des gravures au Massachusetts et au Rhode Island. Webb et ses compagnons (et non toute la SHRH) devaient à tout le moins se douter que rien de tout cela n’était scandinave. À ce moment, Webb et ses associés pensaient probablement que les inscriptions étaient d’origine indienne, phénicienne ou autre. Mais ils n’en ont pas soufflé mot à Rafn. Ils lui ont simplement envoyé le matériel sans se compromettre et ils l’ont laissé affirmer que les inscriptions étaient scandinaves.

C’était un sale tour à jouer à quelqu’un, particulièrement à un estimé collègue danois. Le pauvre Rafn s’est précipité tête première dans le piège qui lui avait été tendu. Dans son livre colossal, riche de textes anciens en islandais, en danois et en latin, et rempli de notes savantes, Rafn a fermement soutenu que le rocher de Dighton était d’origine scandinave.

American Antiquities a été largement distribué par la Société royale des antiquaires du Nord. Les institutions d’enseignement et les érudits en Europe et en Amérique en ont reçu des exemplaires. Presque immédiatement, sa valeur comme source documentaire dans un champ d’histoire peu connu a été saluée partout où le livre a été envoyé. En Europe, en 1845, le baron Alexander von Humboldt (1769-1859), l’a grandement louangé. En Amérique, le livre a reçu une critique favorable d’Edward Everett et il a obtenu la caution de la Société historique du Massachusetts et d’autres institutions savantes.

De plus, les pages xxix-xliv de l’œuvre, intitulées « America discovered by the Scandinavians in the Tenth Century » (« L’Amérique découverte par les Scandinaves au dixième siècle ») ont été réimprimées sous forme de dépliants pour distribution générale en anglais et rééditées en français, en allemand, en italien, en espagnol et en d’autres langues. […]

Telle était l’œuvre du grand savant danois que Webb et des associés ont terriblement induit en erreur à propos de l’inscription du rocher de Dighton, principalement en ne disant rien de ses origines et en laissant Rafn sauter à ses conclusions. La principale conséquence a été que les Vikings sont ensuite devenus totalement liés à un « monument » américain, à tout le moins dans l’esprit de plusieurs personnes.[…]

[…] Dans la première de ses deux lettres sur la tour, datée du 22 mai 1839, Webb donne à Rafn la première description de la tour de Newport que l’historien danois avait jamais eue. Webb mentionne que « le mieux moulin en pierres », tel qu’il était généralement nommé, était l’objet de spéculations depuis longtemps et ajoute qu’aucune conclusion solide n’avait été atteinte quant à ses origines. En cela, il confirme les propos de George Channing.

Ensuite, Webb questionne la croyance populaire déjà en vigueur à Newport voulant que le gouverneur Arnold ait bâti la structure comme un moulin à vent. Il insiste sur le caractère unique de l’édifice et, tout en concédant qu’il a peut-être été utilisé comme un moulin à vent, il fait remarquer que le testament du gouverneur ne dit pas qu’il l’a bâti à partir de rien.[…]Webb affirme :

On peut peut-être poser la question : « Si la structure était déjà là lorsque les Anglais se sont initialement retrouvés à Newport, est-ce qu’ils ne l’auraient pas remarqué et ne l’auraient-ils pas mentionné? » Par contre, on peut dire que « Si elle a été érigée après leur arrivée, n’est-il pas raisonnable de présumer qu’une construction si remarquable aurait reçu une grande attention et qu’on en aurait parlé abondamment? »

C’est sur cette base que Rafn suggère que la structure de Newport a été construite au douzième siècle par les Scandinaves du Vinland sous la direction d’Eric Gnupsson, évêque de Gardar (au Groenland) de 1112 à 1120. […]

Source: Phillip A. Means, "La tour de Newport" (New York: H. Holt & Co., 1942), 50-57.

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